Comment se régulariser ?


Vous êtes l'heureux détenteur d'un animal non-domestique depuis un moment. Vos installations sont impeccables et tout le monde se porte à merveille. Jusqu'au jour où quelqu'un vous apprend que l'espèce en votre possession est très réglementée, et que vous n'êtes pas autorisé à la détenir.

 

Vous avez peut-être acheté cet animal à un particulier qui n'était pas au courant des lois ? Ou pire, qui a tenté de se débarrasser d'un animal que lui même n'était pas en droit d'avoir... Citons également le cas de certains magasins qui "oublient" de vous mettre au courant de la législation, ou qui ne vous transmettent pas tous les documents légaux au moment de votre achat.

 

Un autre cas de figure fréquent est l'évolution de la législation. Avec l'arrivée d'importantes modifications dans les conditions de détention de nombreuses espèces comme ce fut le cas en 2004, puis fin 2018. Il est alors possible que ni vous, ni votre animal ne soyez plus en règle désormais.

 

Pour toutes ces raisons, il est important que vous soyez au courant de la législation entourant les espèces que vous détenez déjà, ou AVANT d'acquérir un nouvel animal. Cela vous évitera bon nombre de problèmes pour la suite.

 

Si vous êtes dans l'illégalité, que faire ? Est-il possible de vous régulariser, vous ou votre animal ? De quelle façon ? C'est ce que nous allons essayer de voir ici.


Se tenir informer de la législation

Vous connaissez cette fameuse expression : "Nul n'est censé ignorer la loi". Cela est tout aussi valable pour le milieu animalier. En cas de contrôle de votre élevage, si vos animaux ou vous-même ne respectez pas la législation en vigueur, vous serez forcément en tord.

 

En ce qui concerne les animaux non-domestiques, soyons honnête, cette législation n'évolue pas si souvent. Mais certains textes "majeurs" peuvent radicalement changer les choses, comme ce fût le cas avec l'Arrêté du 10/08/2004 en son temps, ou plus récemment celui du 08/10/2018. Pour un particulier qui ne suit pas l'actualité, il n'est hélas pas toujours évident d'avoir connaissance de ces mises à jour, qui sont peu mises en avant au moment de leur publication dans le Journal Officiel. En parallèle de ces décrets, des organismes internationaux tels que la CITES révisent aussi régulièrement le statut de protection des espèces animales, ce qui influe directement sur leurs conditions de détention dans notre pays.

 

Il appartient donc à chacun de se tenir régulièrement informé de ces modifications. Pour cela, nous ne pouvons que vous recommander de suivre les associations, les groupes Facebook spécialisés, ou encore les sites internet de vos animaleries favorites, qui sont souvent les premières au courant de toutes ces évolutions.


Régulariser un animal

Depuis la mise en application de l'arrêté du 08/10/2018, tout animal dont l'espèce est catégorisée par la CITES (annexes A, B, C ou D) doit être identifié. A elle seule, cette décision a changé beaucoup de choses dans la terrariophilie française. Nous allons voir ci-dessous comment essayer de régulariser certains animaux devenus "hors-la-loi" depuis cette mesure.

 

Cas d'une reproduction en captivité

Pour ces espèces concernées par l'identification, en cas de reproduction dans votre élevage, celle-ci doit intervenir dans le mois qui suit la naissance de l'animal. Quelques exceptions existent néanmoins: si l'animal est en mauvais état de santé, de taille trop petite, catégorisé comme dangereux et vivant en semi-liberté ou en groupe... mais en tout état de cause, cette identification devra être réalisée avant la sortie de l'animal de son lieu de détention. Si vous avez pris connaissance de cette mesure tardivement (après 2018), il est toujours temps de vous régulariser en identifiant vos jeunes dès que possible.

 

Cas d'un achat récent

Vous avez acheté il y a peu un animal dont l'espèce doit normalement être identifiée, mais cela n'a pas été fait avant la cession (c'est normalement obligatoire). Pour tenter de résoudre cette situation à l'amiable, vous pouvez proposer à l'ancien propriétaire d'aller faire vous-même faire identifier l'animal chez un vétérinaire, en exigeant qu'il prenne à sa charge une partie des frais de cette démarche qui était normalement de sa responsabilité. C'est un moyen de partager les frais, et de régulariser votre animal du même coup.

 

Cas d'une acquisition lointaine

Si vous possédez un animal de longue date (acquis avant octobre 2018) l'arrêté s'applique également. Si son espèce est annexée à la CITES, alors il est nécessaire de le faire identifier au plus tôt. Vous pourrez ainsi mettre en règle un certain nombre d'espèces en annexes B, C ou D.

 

Cas des espèces très réglementées

Si votre animal appartient à une espèce particulièrement réglementée sur le territoire (classée en annexe A de la CITES, ou faune française par exemple), une identification chez un vétérinaire est bien sûr obligatoire, mais elle ne sera pas suffisante pour que votre animal soit reconnu "en règle". En France (et en Europe pour les annexes A) ces animaux exigent une traçabilité plus importante. Donc un marquage, mais aussi la délivrance d'un Certificat Intracommunautaire, dit "CIC", par individu. Ce document permet de justifier la provenance de l'animal, retracer son parcours, son éleveur etc.

Prenons l'exemple la tortue d'Hermann, Testudo hermanni. Si vous possédez un individu "sans papier" depuis des années, ou une juvénile que l'on vous a donné récemment, ou encore un adulte non-pucé trouvé sur le bord de la route, alors il sera très compliqué de faire régulariser l'animal. Car pour les autorités, rien ne permet de justifier son origine, son espèce exacte, ou la pureté de son patrimoine génétique. Il pourrait tout aussi bien s'agir d'un prélèvement d'individu sauvage (pratique interdite et répréhensible). Ou d'une reproduction illégale dans le jardin d'un particulier, venant de parents inconnus, avec une possibilité d'hybridation entre espèces différentes sur plusieurs générations... On ne peut donc prendre aucun risque.

Si vous êtes dans ce cas de figure, vous pouvez tenter de contacter la DDPP ainsi que la DREAL de votre département. Avec beaucoup de preuves à l'appui et une traçabilité claire, vous parviendrez peut-être à ce que votre animal ait le droit d'être identifié, et obtienne un CIC dit de "Source U" (pour "Unknown", source inconnue). L'individu pourra alors être pucé, déclaré à votre nom, mais toute vente / reproduction sera formellement interdite.

 

Cas des espèces invasives

L'arrêté du 15 mai 2019 "modifiant les conditions de détention d'animaux d'espèces exotiques envahissantes [...]" a permis aux détenteurs de certaines espèces invasives de pouvoir faire marquer leurs animaux jusqu'à la date du 31 décembre 2019. Cette date étant révolue, cela n'est normalement plus possible. Les propriétaires de longue date d'animaux tels que la Tortue de Floride (Trachemys scripta) pourront toujours tenter de joindre leur DDPP départementale pour essayer d'obtenir une autorisation de marquage exceptionnelle. Ces espèces nécessitent désormais d'être titulaire du Certificat de Capacité pour être détenues en toute légalité, et devront être identifiées.

 

Cas d'une acquisition faite à l'étranger

Vous avez acquis (ou souhaitez acquérir) un animal dans un pays autre que la France. Il est impératif de bien vérifier la législation française pour cette espèce avant de revenir avec. Car l'animal ou vous-même pourriez ne pas être "en règle" une fois de retour en France. On distinguera plusieurs cas de figure :

  • Si vous êtes autorisé à détenir cette espèce en France, et qu'elle ne nécessite aucune identification : vous n'avez rien à faire.
  • Si vous êtes autorisé à détenir cette espèce en France, mais qu'elle nécessite une identification : le marquage devra être effectué dans les huit jours suivant son arrivée sur le lieu de détention. Notez que si l'animal a déjà été pucé dans son pays d'origine, vous devrez l'enregistrer sur l'I-FAP (voir les quelques cas particuliers de l'article 4 de l'arrêté du 08/10/2018).
  • Si vous n'êtes pas autorisé à détenir cette espèce en France : Vous serez dans l'obligation de confier l'animal à une personne disposant des autorisations adéquates en attendant d'obtenir vous-même ces autorisations (CDC, DDD...). Et l'animal devra bien entendu être identifié et enregistré à l'I-FAP si son espèce l'exige.

Régulariser le propriétaire ou son élevage

Régulariser un animal est une chose. Mais il convient aussi de vérifier si vous, et votre élevage dans son entièreté, êtes également en règle. Voici les cas les plus courants qui pourraient vous mettre en infraction :

 

Autorisation de détention nécessaire

De nombreuses espèces nécessitent que vous, propriétaire, soyez en possession d'une autorisation pour détenir ces animaux. Il y a de cela 20 ans vous avez peut être fait l'acquisition en magasin d'une tortue de terre, ou d'un Gris du Gabon. Mais depuis, leur statut de protection s'est durci et leur conditions de détention aussi. Ces espèces auparavant accessibles à tous nécessitent maintenant l'obtention d'un Certificat de Capacité, ou d'une Déclaration de Détention pour être conservées à votre domicile en toute légalité. Pour vous régulariser, il vous faudra soit faire les démarches pour obtenir ces autorisations, ou à défaut vous séparer de l'animal en le confiant à une personne ou une structure autorisée à l'héberger.

 

Le respect des quotas

Si vous possédez plusieurs animaux d'espèces non-domestiques, le terme de "quota" ne vous est sûrement pas étranger. Il s'agit du nombre réglementaire d'animaux que vous êtes en droit de détenir simultanément dans votre établissement. Il est important de bien comprendre comment sont calculés ces quotas pour ne pas les dépasser. Pour reprendre l'arrêté du 08/10/2018 :

➔ Pour les animaux d'espèces ou groupes d'espèces inscrits à la colonne (a) et (b) de l'annexe 2, les effectifs détenus doivent être inférieurs ou égaux à la valeur mentionnée dans cette même colonne. Exemple: 3 Boas constricteur au maximum.

➔ Le nombre d'animaux adultes hébergés ne doit pas excéder 40 pour les mammifères, 100 pour les oiseaux, 40 pour les reptiles ou 40 pour les amphibiens.

➔ le nombre total d'animaux adultes hébergés ne doit pas excéder 40 lorsqu'ils appartiennent à plusieurs des classes zoologiques mentionnées au point précédent.

 

A partir du moment où vous dépassez ces "quotas", vous êtes répréhensible. Pour éviter d'en arriver là, limitez vos acquisitions et évitez les reproductions. Dans ce cas de figure il n'y aura que deux solutions pour vous régulariser: faire sortir des animaux de votre élevage (vente, don...) pour revenir dans les limites, ou bien passer le "Certificat de Capacité" pour augmenter vos quotas maximums.

 

Reproductions exigeant d'être capacitaire

Certaines espèces exigent que vous soyez titulaire d'une autorisation pour détenir un individu chez vous. Par exemple les Testudo ssp., tortues dont on peut détenir de 1 à 6 individus avec une "Déclaration de Détention". Mais attention, cela n'autorise que leur "détention". Leur reproduction est strictement interdite si vous n'êtes pas titulaire du Certificat de Capacité. Tant que vous n'avez pas obtenu ce dernier :

- Si vous avez eu des pontes, il vous faudra détruire les œufs avant leur éclosion.

- Séparez au plus vite mâles et femelles pour ne plus avoir d'accouplements.

 

Si vous avez eu des petits issus de parents "hors-la-loi", ou des naissances avant d'avoir obtenu votre certificat de capacité, nous vous conseillons de vous rapprocher de votre DDPP locale afin d'obtenir la marche à suivre.