Bien préparer l'arrivée d'un animal "non-domestique"


Les "NAC" vous font de l’œil et vous réfléchissez à avoir chez vous une petite tortue ou un gros lézard ?

 

Mais vous êtes-vous déjà bien renseigné en amont ?  Par exemple, connaissez-vous la taille de l'animal une fois adulte ? Sa longévité, ses besoins en éclairage ou en chauffage, l'espace à prévoir pour l’accueillir dans de bonnes conditions ?

Financièrement parlant, avez-vous aussi une idée de combien l'animal va vous coûter à l'année ? Le matériel qu'il va falloir acheter (et renouveler), sa nourriture, la facture électrique ?

Savez-vous également qu'il faut parfois une autorisation préfectorale avant de pouvoir acquérir certains animaux ?

 

Cela fait beaucoup de questions. Mais mieux vaut bien étudier tout cela en amont, car adopter un animal d'espèce dite "non domestique" ne s'improvise pas. Ci-dessous nous allons faire le tour des grandes étapes qui vous attendent avant, pendant, et après l'acquisition de votre nouveau pensionnaire. Pour que son arrivée se fasse dans les meilleures conditions possibles, et dans le cadre de la législation actuelle.


Ai-je le droit d'avoir cette espèce à la maison ?

... C'est en effet la première question à se poser. Car la détention d'animaux dits "non domestiques" est encadrée par des lois, et celles-ci sont différentes dans chaque pays. En France, il n'est donc pas possible d'avoir librement n'importe quel animal chez soi.

 

On distingue tout d'abord la réglementation internationale (Convention de Washington, dite "CITES"). Puis la réglementation Européenne (règlement CE 338/97), qui va transposer la CITES au niveau de l'Europe. Et enfin les réglementations nationales, qui ajoutent des mesures supplémentaires par pays. La réglementation internationale permet notamment la protection d'espèces menacées et la régulation des échanges, et les lois nationales s’intéressent davantage à la protection des populations (espèces pouvant présenter un danger pour l'Homme) et de l'environnement (espèces pouvant être invasives pour l'écosystème local).

 

Espagne, Belgique ou Italie, même nos voisins les plus proches disposent donc d'une législation légèrement différente de la nôtre. En France, nous avons notamment le Code de l'environnement et plusieurs arrêtés qui définissent les autorisations nécessaires à la détention d'espèces non-domestiques : les deux arrêtés du 10 août 2004 (lien et lien), et l'arrêté du 8 octobre 2018 (lien). Pour la faune exotique comme pour la faune française cela n'est pas à prendre à la légère, car détenir une espèce soumise à autorisation sans en être titulaire peut vous exposer à de lourdes sanctions : poursuites judiciaires, fortes amendes, saisie de vos animaux...

 

Comme "personne n'est censé ignoré la loi", votre toute première démarche doit être de vérifier le statut de protection de l'espèce qui vous intéresse, et vous assurer que vous êtes bien "en droit" de posséder légalement cette dernière.


Bien s'informer sur les conditions de maintenance

Vous avez maintenant en tête une espèce en particulier, et vous pouvez la détenir chez vous en toute légalité ? Parfait !

 

Maintenant il va falloir s'informer au maximum sur l'animal. Sa taille, ses besoins, réfléchir au terrarium ou à l'enclos qui va lui être nécessaire. Recherchez en particulier les infos suivantes :

➔ De quel pays ou région vient-il ? Quel est son climat d'origine ?

➔ Dans quel milieu évolue t-il ? Y a t-il des saisons marquées ?

➔ Les températures conseillées ? (point chaud/froid, jour et nuit)

➔ Ses besoins en UV ? (puissance, nombre d'heures par jour)

➔ Son alimentation ? (supplémentation en calcium, vitamines)

➔ A-t-il pour habitude de grimper ? nager ? creuser ?

➔ Quelle surface va être nécessaire ? (au sol et en hauteur)

➔ L'aération et l'humidité doivent-elles être importantes ?

➔ Lui faut-il de la végétation ? un bassin d'eau ? Quel substrat sera le plus adapté à ses habitudes ?

 

En consultant des fiches d'élevage sur internet, ou en parlant à des éleveurs ayant de l'expérience avec l'espèce, vous répondrez petit à petit à ces questions. Cela vous donnera une idée plus précise du terrarium et du matériel à préparer pour l'animal.

Car si l'environnement que vous allez lui offrir n'est pas adapté (trop chaud, trop froid, pas assez humide, trop peu ventilé, avec un manque d'UV, une mauvaise alimentation etc.) cela agira directement sur la santé de l'animal. Un mauvais maintien pourra entrainer des effets irréversibles comme des problèmes de croissance, d'ossature, d'écailles, perte d'appétit, mauvaises mues, nécroses, pertes de membres...

Les achats d'animaux sur un coup de tête sont hélas encore trop fréquents et finissent souvent mal du fait d'un manque de connaissances chez le propriétaire, et d'un environnement non adapté. N'oubliez jamais que VOUS avez décidé d'avoir cet animal à la maison. Sa vie est donc entre vos mains, et pour son bien-être rien ne doit être négligé.

 

Pour résumer, informez-vous au maximum sur l'espèce visée et préparez votre terrarium en rapport avec les besoins de l'animal. Équipez-le avec le matériel adéquat, un substrat, un éclairage, un système de chauffage et des éléments de décors en accord avec son mode de vie. Enfin, testez l'ensemble. Laissez tourner votre terrarium un certain temps comme si l'animal était déjà dedans, et faites des relevés : température au point chaud, au point froid, humidité ambiante... Assurez-vous que toutes ces valeurs correspondent bien à ce qui était attendu. Si ce n'est pas le cas, il est encore temps de modifier votre installation, changer des éléments, ou paramétrer différemment votre thermostat. Et uniquement lorsque tout sera parfait, faite l'acquisition de l'animal.


Nouvelle acquisition = documents de cession

Votre terrarium est enfin prêt, et il ne reste plus qu'à adopter l'animal. Mais avant de repartir avec, assurez vous de n'avoir rien oublié...

 

Au niveau de la législation tout d'abord. L'espèce que vous désirez est-elle concernée par une identification ? Depuis la publication de l'arrêté du 8 octobre 2018, un certain nombre d'espèces sont maintenant dans l'obligation d'être identifiées et enregistrées dans un registre national. C'est notamment le cas de la plupart des tortues terrestres, pythons, boas et bien d'autres. Pour en savoir plus, consultez cet article.

 

Si l'espèce que vous visez fait partie de celles concernées par l'identification, assurez-vous que cela soit fait auprès du cédant avant de lui prendre l'animal. Il s'agit d'une obligation légale, et l'acheteur comme le vendeur peuvent s'exposer à des sanctions en cas de contrôle si l'animal n'a pas été identifié avant sa sortie de l'établissement d'origine. Aujourd'hui, beaucoup de particuliers ne sont hélas pas au courant de ces exigences apparues fin 2018.

 

Etape suivante : la cession. Que l'animal soit concerné ou non par l'identification, vous allez devoir rédiger avec le cédant ce que l'on appelle une "attestation de cession d'animaux d'espèces non domestiques" (en savoir plus sur le contenu de cette attestation). Il s'agit d'un document à réaliser en deux exemplaires, à compléter, dater, et signer par les deux parties. Le cédant remettra par la même occasion les différents documents de l'animal en sa possession (déclaration de marquage si l'animal a été pucé, attestation d'enregistrement à l'I-FAP, éventuellement un CIC ou une feuille de suivi etc.) ainsi qu'un document d'information sur l'espèce, par voie électronique ou papier, qui récapitule les conditions de maintien de l'espèce. Toute cette "paperasse" peut paraitre rébarbative, mais elle vous protège et permet d'attester du changement de propriétaire de l'animal.

 

Enfin, si l'animal est pucé, il est normalement aussi enregistré sur le registre national "I-FAP" (plus d'informations sur l'I-FAP et son fonctionnement dans cet article). Après une cession, il sera nécessaire de réaliser un changement de propriétaire sur la plateforme. On conseillera plutôt au cédant de réaliser cette opération, car il détient normalement les identifiants de la fiche I-FAP de l'animal. En se connectant à la plateforme, il saisira simplement le nom, les coordonnées et l'adresse email du nouveau propriétaire pour que le transfert soit effectué. L'acquéreur recevra confirmation de la cession sur sa boite mail.


Anticiper les risques du quotidien

Vous voici enfin rentré chez vous avec votre nouveau pensionnaire. Mais attendez un peu avant de le mettre dans son terrarium définitif, ou avec d'autres congénères !

 

Avez-vous déjà une pièce d'élevage, ou d'autres terrariums à proximité ? Si oui, alors il est important que le nouveau venu respecte une période de quarantaine. Il s'agit d'une durée d'au minimum 40 jours, durant laquelle ce dernier devra être isolé physiquement de tout autre animal de la maison. On choisira de préférence une pièce calme et distante du reste de l'élevage. Cela va lui permettre de déstresser du voyage, de s'acclimater doucement, mais surtout de vérifier son état de santé. Car même si vous faites confiance à son éleveur d'origine, rien ne garanti que l'animal revienne sain d'une exposition ou d'une bourse. On imagine rapidement les dégâts d'un individu porteur d'œufs d'acariens, placé directement au beau milieu d'une quinzaine d'animaux sains... Faites-nous confiance, mieux vaut une longue quarantaine, que de traiter au torus tout votre élevage. Dans le cas d'un reptile, on utilisera par exemple un terrarium temporaire facile à nettoyer, en plaçant au sol du papier essuie-tout de couleur claire pour repérer d'éventuels parasites.

 

Pendant que l'animal effectue sa quarantaine, avez-vous déjà réfléchi où sera placé son terrarium définitif ? Cet endroit a de l'importance car beaucoup d'animaux (reptiles en tête) sont très sensibles aux vibrations qui sont pour eux une source de stress. On évitera donc de placer le terrarium à proximité d'une télévision, d'une chaîne hi-fi, dans une pièce avec des instruments de musique, sur des meubles ayant des portes ou tiroirs qui claquent régulièrement.

 

L'autre catastrophe redoutée de tout terrariophile, c'est l'évasion. Les serpents sont connus pour se faufiler, les tortues savent creuser, les lézards peuvent se contorsionner... Nous avons bien trop confiance dans nos installations, souvent à tord. Parmi les risques d'évasion les plus courants : les trous dans le terrarium de l'animal, des vitres pas suffisamment lourdes et sans verrou que l'animal parvient à faire glisser petit à petit en s'y frottant ou grattant, un verre pas assez épais que l'animal parvient à casser de l'intérieur. Pour les parcs à tortues en extérieur, prévoir des palissades démarrant profondément dans le sol et  finissant suffisamment hautes, inclinées au sommet etc.

Mais il faudra également penser aux risques d'intrusion et au comportement de nos animaux domestiques. Les parcs extérieurs à ciel ouvert peuvent être la cible d'oiseaux de proie, de rats, de chiens. Les terrariums grillagés au sommet ne sont souvent pas assez résistants pour supporter le poids d'un chat adulte. Les fils électriques d'une lampe ou d'un thermostat peuvent être sectionnés par un rongeur, un chien ou un jeune chat.

Un enfant en bas âge pourra aussi trouver comment ouvrir un terrarium non sécurisé. Placez des verrous sur vos vitres, ou de façon plus radicale fermez votre pièce d'élevage à clé pour éviter toute mauvaise surprise.

 

Enfin, soyez très vigilent avec l'utilisation des produits répulsifs. Nombreux sont les animaux à la santé fragile qui y sont particulièrement sensibles. Si vous comptez vous lancer dans l'élevage d'insectes notamment, les diffuseurs de produits anti-moustique, les pipettes et colliers anti-puce de votre chien / chat sont à bannir définitivement. Ces produits sont très puissants, restent dans l'air et sur vos doigts, et peuvent atteindre sans mal des terrariums placés à l'autre bout de la maison ! Préférez donc l'usage de répulsifs anti-moustique à base de citronnelle, et de l'anti-puce sous forme de cachets à avaler pour vos animaux de compagnie. Attention également si vous habitez à proximité de vignes, de serres horticoles, de jardins publics, ou d'un voisin qui aime un peu trop ses rosiers, car l'épandage d'insecticide est fréquent et les rafales de vent pourront rediriger ces produits vers les fenêtres de votre maison.

 

Il serait impossible de lister tous les risques et dangers pour nos animaux tant il en existe. Certains peuvent être évités facilement, d'autres hélas s'apprennent à nos dépends. Nous espérons vous avoir donné une première base et vous souhaitons le meilleur pour votre élevage. Partagez votre expérience, bonne ou mauvaise, et en cas d'hésitation posez vos questions au plus grand nombre, il y a fort à parier que quelqu'un ait déjà été dans votre situation un jour !